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Lancement de la politique de l’amiable

Le 13 janvier 2023, Éric Dupond-Moretti a réuni les acteurs de l’amiable, pour débuter les travaux autour d’un axe clé du plan d’action issu des États généraux de la Justice : une politique de l’amiable novatrice.

Lancement de la politique de l'amiable par le garde des Sceaux ©DICOM/MJ

 

Le 13 janvier 2023, conciliateurs, médiateurs, avocats, magistrats, parlementaires… étaient rassemblés à la chancellerie pour partager leur expérience en termes de politique de l’amiable. « La parole est désormais aux actes, a commencé le garde des Sceaux. […] J’ai décidé de vous réunir aujourd’hui parce que vous représentez par vos fonctions, vos engagements ou vos mandats la communauté qui travaille au quotidien pour que nos concitoyens puissent devenir acteurs dans la résolution de leurs propres litiges. » En effet, l’acquisition d’une véritable culture de l’amiable est un élément clé du plan d’action conçu dans la continuité des États généraux de la Justice.

La politique de l’amiable au service d’une justice participative

Aujourd’hui, 60 % des décisions rendues par les tribunaux sont des décisions civiles. Pour favoriser une justice plus rapide et plus proche du citoyen, le plan d’action prévoit donc de développer une véritable politique de l’amiable pour une justice participative.

« Changer de modèle, cela veut dire : je me réapproprie mon procès, j’en maîtrise la durée, a continué Éric Dupond-Moretti. En Angleterre, au Québec, un très grand nombre d’affaires dont le juge est saisi fait l’objet d’un règlement amiable. Mon objectif est clair : réduire par deux les délais de nos procédures civiles d’ici 2027. Nous allons, tous en ensemble, mettre au vert tous les feux de l’amiable. »

Si, depuis 1995, la volonté existe de développer une politique de l’amiable, les nouveaux modes amiables de règlement des différends impliqueront, toujours selon les mots du ministre de la Justice, « une révolution culturelle pour le monde judiciaire. »

Un nouveau conseil de la médiation travaillera à harmoniser les pratiques pour rendre les actions plus lisibles et plus accessibles.

La procédure participative de mise en état

Premier thème développé au cours de cette matinée d’échanges : la procédure participative de mise en état qui existe depuis 2010. Utilisé de façon plus systématique, cet outil permettra aux parties de se réapproprier leur affaire en traitant le litige de façon contractuelle. Cette procédure implique la coopération du juge, de l’avocat et des parties. Si elle contribue à pacifier les relations sociales, elle nécessite un véritable changement de culture.

Pour Renaud Le Breton Vannoise, premier président de la cour d’appel d’Aix-en-Provence, « c’est une véritable pépite pour le juge et le justiciable. » La procédure participative de mise en état favorise l’écoute, permet de gagner du temps et de réduire les coûts. De l’audition, sort l’objet du litige, ce qui évite une mise en état classique qui peut durer des années. Il faudrait même qu’elle « soit le principe et qu’en cas de difficulté, on soit invité à aller devant le juge. »

Pour Carine Denoit Benteux, avocate au Barreau de Paris, « une fois ce changement judiciaire amorcé, la mise en état judiciaire disparaîtra. »

La conférence de règlement amiable

La matinée s’est poursuivie autour du deuxième outil qui sera développé en matière de règlement amiable. Inspirée de la pratique judiciaire québécoise, la conférence de règlement amiable (CRA) permet au juge d’aider les parties à trouver un accord. Pratiquée depuis 1990 au Québec, elle fait partie intégrante du code de procédure civile et son taux de succès est de 78 à 80 % en première instance.

Selon Suzanne Gagné, juge à la Cour d’appel du Québec, « la règle d’or c’est que la CRA est la conférence des parties. La dynamique c’est d’amener les parties à se rapprocher. Le rôle du juge c’est d’être un facilitateur, un agent de communication. Il doit tenter de pénétrer à l’intérieur du conflit et de trouver des pistes de solutions. […] Avec le succès des CRA, les résistances ont été vaincues. Aujourd’hui, c’est ce que les clients demandent. »

Aujourd’hui, en France, les parties échangent d’abord leurs arguments (conclusions écrites). Les renvois sont nombreux et la durée de traitement du dossier est de 17 mois en moyenne. Au Québec, la conférence de règlement amiable dure une journée au maximum. Le juge accueille les avocats et les parties puis ces dernières exposent leurs positions. Le juge anime les discussions, les avocats rédigent la transaction et les parties signent.

Nommée en France audience de règlement amiable, la procédure devrait permettre que les dossiers soient jugés deux fois plus rapidement.

La césure du procès

En France, la procédure actuelle prévoit une période de « « mise en état » au cours de laquelle les parties échangent tous leurs arguments. Elle comprend un certain nombre de renvois et peut durer jusqu’à deux ans.

En partie inspiré de la pratique judiciaire néerlandaise et allemande, le procédé de la césure consiste à faire trancher le nœud du litige ou une partie du litige par le juge. Ce dernier demande ensuite aux parties de s’accorder sur le montant de l’indemnisation. Aux Pays-Bas, ce procédé permet de traiter deux fois plus de litiges en deux fois moins de temps.

Dans ce système, le droit d’appel sur le jugement au fond intervient seulement en cas d’échec du processus de médiation.

Cette nouvelle procédure permettra de diviser par deux la durée de la procédure.

S’approprier la culture de l’amiable

À l’heure actuelle, les dispositions qui concernent l’amiable sont éparses et incomplètes. Mettre en œuvre une politique de l’amiable novatrice implique donc de recodifier les modes alternatifs de règlement des différends.

Sur le plan pratique, tous les principes et outils de l’amiable seront rassemblés dans un seul chapitre du code de procédure civile pour plus de lisibilité.

Enfin, l’acquisition d’une véritable culture de l’amiable nécessite l’engagement de tous : magistrats, avocats, greffiers, équipe autour du juge…

Favoriser la voie de l’amiable implique donc aussi de mieux rétribuer les avocats au titre de l’aide juridictionnelle. À cet effet, le projet de loi de finances prévoit une hausse de 13,4 M€ en 2023.

Des magistrats honoraires juridictionnels ou des magistrats à titre temporaire seront par ailleurs recrutés pour assurer en partie le traitement de ces phases amiables.

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