L’affaire Christian Ranucci : une erreur judiciaire ou la cristallisation du mouvement abolitionniste ? Retour sur le procès de l’avant-dernier condamné à mort suite à la disparition et l’assassinat de Marie-Dolorès Rambla, 8 ans, à Marseille.
Le 3 juin 1974, peu après 11 h, est signalée la disparition de Marie Dolores, 8 ans, alors qu’elle jouait au pied de son immeuble avec son petit frère, Jean, 6 ans. Un homme serait venu trouver les deux enfants, demandant de l’aide pour retrouver son chien disparu. Il aurait alors séparé Marie-Dolorès de son frère, et l’aurait emporté dans sa voiture.
Plus tard dans la journée, à une vingtaine de kilomètres de Marseille, un automobiliste brûle un stop et provoque un accident avant de prendre la fuite. Des témoins prennent en chasse le chauffard.Ils le retrouvent deux kilomètres plus loin, s’éloignant de son véhicule, un paquet volumineux sous le bras. Le lendemain, à l’annonce de la disparition de l’enfant, les témoins de l’accident se rendent à la gendarmerie pour signaler le comportement étrange de l’automobiliste. Christian Ranucci est identifié comme propriétaire de la voiture. Peu après 15 h, le corps de Marie-Dolorès est retrouvé, lacéré de coups de couteaux, à proximité des lieux de l’accident, ainsi qu’un pull-over rouge. Ranucci est arrêté à 18h15.
Des zones d’ombre dans l’enquête
Après deux jours d’interrogatoire, Christian Ranucci avoue avoir tué Marie-Dolorès et avoir jeté l’arme dans un tas de fumier. Le couteau est retrouvée par les gendarmes, Ranucci la reconnaît. Plus tard, après une reconstitution des faits, il se rétractera sur ses aveux, niant sa culpabilité, dénonçant les méthodes des policiers. Seront pointées par ailleurs, quelques zones d’ombre de l’enquête : les deux seuls témoins du rapt, le petit frère Jean et un garagiste, ne reconnaissent pas Ranucci lors de la confrontation, et mentionnent dans leurs dépositions que l’auteur de l’enlèvement conduisait une Simca 1100, alors que la voiture de Christian Ranucci est un coupé 307 Peugeot. Ces témoins ne seront jamais entendus par la juge d’instruction. Les témoins de l’accident de voiture, eux, reviendront à trois reprises sur leur déposition, quant au fameux pull-over rouge retrouvé sur les lieux du crime, il semblerait qu’aucun lien ne le mène à Ranucci.
Un procès sous haute tension
Le procès, sous haute tension médiatique et populaire, se tient deux ans après les faits, les 9 et 10 mars 1976. Ranucci est accusé de l’enlèvement et du meurtre de Marie-Dolorès. Maître Le Forsonney, qui était jusqu’alors en charge de la défense de Christian Ranucci, cède la main à son confrère et aîné, maître Paul Lombard qui décide de plaider l’innocence. Celui-ci parlera a posteriori d’une « mise à mort programmée ».Il décide, la veille, d’inviter des journalistes à son domicile pour dénoncer la diabolisation de Ranucci. Il ouvrira sa longue plaidoirie sur le portrait de maître Collard, avocat de la partie civile, Armand Viala, l’avocat général qui requiert la peine capitale, et Christian Ranucci lui-même.
L’opinion publique, partie prenante du procès
Aux portes du tribunal, une foule impatiente réclame la peine capitale contre Ranucci. À l’époque, une autre affaire exarcebe la colère de l’opinion publique : celle de Patrick Henry, accusé du meurtre du petit Philippe, 7 ans. Il échappera à la peine de mort. Pas Christian Ranucci.
Armand Viala confessera par la suite : « On se trouve presque dans l’obligation de requérir la peine de mort, pour la famille, pour la petite et pour l’opinion publique. De quoi j’aurais eu l’air, moi, si j’avais demandé 15 jours de prison avec sursis ? ».
Maître Collard, à la partie civile, plaide pour que Ranucci vive. Il affirme que les parents de la petite Marie-Dolorès ne désirent pas la peine à mort. Pour autant, Christian Ranucci est condamné à la peine capitale le 10 mars 1976. Ni le témoin convoqué par la défense – une pièce maiîresse qui se révèlera un échec – ni l’attitude jugée arrogante de l’accusé changeront le verdict.
Ce procès illustre encore aujourd’hui, malgré lui, la justice comme une justice d’hommes, potentiellement faillible, car l’histoire du pull-over rouge racontée par Gilles Perrault plongera la société dans le doute de la culpabilité de Ranucci et la famille de la victime dans une douleur immense.
Chronique rédigée par Claire Cohadon, étudiante en matsre de science politique
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